フランス語原文[2] |
Digne fruit de vingt ans de travaux somptueux, |
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Auguste bâtiment, temple majestueux, |
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Dont le dôme superbe, élevé dans la nue, |
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Pare du grand Paris la magnifique vue, |
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Et parmi tant d’objets semés de toutes parts, |
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Du voyageur surpris prend les premiers regards. |
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Fais briller à jamais, dans ta noble richesse, |
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La splendeur du saint vœu d’une grande Princesse; |
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Et porte un témoignage à la postérité |
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De sa magnificence et de sa piété. |
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Conserve à nos neveux une montre fidèle |
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Des exquises beautés que tu tiens de son zèle. |
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Mais défends bien surtout de l’injure des ans |
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Le chef-d’œuvre fameux de ses riches présents ; |
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Cet éclatant morceau de savante peinture, |
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Dont elle a couronné ta noble architecture. |
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C’est le plus bel effet des grands soins qu’elle a pris, |
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Et ton marbre, et ton or ne sont point de ce prix. |
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Toi qui, dans cette coupe |
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Comme un ample théâtre, heureusement fournie, |
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Es venu déployer les précieux trésors, |
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Que le Tibre t’a vu ramasser sur ses bords, |
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Dis-nous, fameux Mignard, par qui te sont versées |
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Les charmantes beautés de tes nobles pensées ; |
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Et dans quel fonds tu prends cette variété, |
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Dont l’esprit est surpris, et l’œil est enchanté ? |
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Dis-nous quel feu divin, dans tes fécondes veilles, |
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De tes expressions |
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enfante les merveilles ? |
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Quel charme ton pinceau répand dans tous ses traits ? |
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Quelle force il y mêle à ses plus doux attraits ? |
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Et quel est ce pouvoir, qu’au bout des doigts tu portes, |
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Qui sait faire à nos yeux vivre des choses mortes, |
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Et d’un peu de mélange, et de bruns, et de clairs, |
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Rendre esprit la couleur, et les pierres des chairs ? |
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Tu te tais, et prétends que ce sont des matières, |
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Dont tu dois nous cacher les savantes lumières ; |
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Et que ces beaux secrets, à tes travaux vendus, |
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Te coûtent un peu trop pour être répandus. |
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Mais ton pinceau s’explique, et trahit ton silence. |
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Malgré toi de ton art il nous fait confidence ; |
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Et dans ses beaux efforts à nos yeux étalés, |
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Les mystères profonds nous en sont révélés. |
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Une pleine lumière ici nous est offerte ; |
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Et ce dôme pompeux est une école ouverte, |
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Où l’ouvrage faisant l’office de la voix, |
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Dicte de ton grand art les souveraines lois. |
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Il nous dit fortement les trois nobles parties |
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Qui rendent d’un tableau les beautés assorties ; |
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Et dont, en s’unissant les talents relevés |
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Donnent à l’univers les peintres achevés. |
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Mais des trois, comme reine, il nous expose celle, |
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Que ne peut nous donner le travail, ni le zèle ; |
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Et qui comme un présent de la faveur des Cieux, |
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Est du nom de divine appelée en tous lieux. |
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Elle, dont l’essor monte au-dessus du tonnerre ; |
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Et sans qui l’on demeure à ramper contre terre ; |
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Qui meut tout ; règle tout ; en ordonne à son choix |
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Et des deux autres mène, et régit les emplois. |
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Il nous enseigne à prendre une digne matière, |
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Qui donne au feu du peintre une vaste carrière, |
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Et puisse recevoir tous les grands ornements, |
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Qu’enfante un beau génie en ses accouchements, |
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Et dont la Poésie, et sa sœur la Peinture |
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Parent l’instruction de leur docte imposture; |
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Composent avec art ces attraits, ces douceurs, |
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Qui font à leurs leçons un passage en nos cœurs, |
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Et par qui de tout temps, ces deux sœurs si pareilles |
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Charment, l’une les yeux, et l’autre les oreilles. |
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Mais il nous dit de fuir un discord apparent |
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Du lieu que l’on nous donne, et du sujet qu’on prend, |
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Et de ne point placer dans un tombeau des fêtes ; |
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Le ciel contre nos pieds ; et l’enfer sur nos têtes. |
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Il nous apprend à faire avec détachement, |
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De groupes contrastés un noble agencement, |
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Qui du champ du tableau fasse un juste partage, |
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En conservant les bords un peu légers d’ouvrage: |
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N’ayant nul embarras ; nul fracas vicieux, |
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Qui rompe ce repos si fort ami des yeux : |
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Mais où, sans se presser, le groupe se rassemble, |
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Et forme un doux concert, fasse un beau tout-ensemble, |
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Où rien ne soit à l’œil mendié, ni redit ; |
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Tout s’y voyant tiré d’un vaste fonds d’esprit, |
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Assaisonné du sel de nos grâces antiques, |
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Et non du fade goût des ornements gothiques: |
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Ces monstres odieux des siècles ignorants, |
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Que de la barbarie ont produits les torrents ; |
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Quand leur cours inondant presque toute la terre, |
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Fit à la politesse une mortelle guerre, |
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Et de la grande Rome abattant les remparts, |
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Vint avec son empire, étouffer les beaux-arts. |
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Il nous montre à poser avec noblesse, et grâce |
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La première figure à la plus belle place ; |
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Riche d’un agrément, d’un brillant de grandeur, |
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Qui s’empare d’abord des yeux du spectateur : |
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Prenant un soin exact, que dans tout un ouvrage, |
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Elle joue aux regards le plus beau personnage ; |
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Et que par aucun rôle au spectacle placé, |
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Le héros du tableau ne se voie effacé. |
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Il nous enseigne à fuir les ornements débiles |
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Des épisodes froids, et qui sont inutiles. |
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À donner au sujet toute sa vérité. |
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À lui garder partout pleine fidélité ; |
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Et ne se point porter à prendre de licence, |
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À moins qu’à des beautés elle donne naissance. |
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Il nous dicte amplement les leçons du dessein, |
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Dans la manière grecque, et dans le goût romain : |
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Le grand choix du beau vrai, de la belle nature, |
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Sur les restes exquis de l’antique sculpture ; |
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Qui prenant d’un sujet la brillante beauté, |
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En savait séparer la faible vérité, |
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Et formant de plusieurs une beauté parfaite, |
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Nous corrige par l’art la nature qu’on traite. |
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Il nous explique à fond, dans ses instructions, |
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L’union de la grâce, et des proportions : |
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Les figures partout doctement dégradées, |
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Et leurs extrémités soigneusement gardées. |
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Les contrastes savants des membres agroupés, |
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Grands, nobles, étendus, et bien développés ; |
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Balancés sur leur centre en beauté d’attitude ; |
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Tous formés l’un pour l’autre avec exactitude, |
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Et n’offrant point aux yeux ces galimatias, |
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Où la tête n’est point de la jambe, ou du bras; |
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Leur juste attachement aux lieux qui les font naître, |
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Et les muscles touchés autant qu’ils doivent l’être. |
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La beauté des contours observés avec soin ; |
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Point durement traités, amples, tirés de loin, |
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Inégaux, ondoyants, et tenants de la flamme, |
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Afin de conserver plus d’action, et d’âme. |
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Les nobles airs de tête amplement variés, |
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Et tous au caractère avec choix mariés. |
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Et c’est là qu’un grand peintre, avec pleine largesse, |
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D’une féconde idée étale la richesse ; |
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Faisant briller partout de la diversité, |
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Et ne tombant jamais dans un air répété: |
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Mais un peintre commun trouve une peine extrême, |
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À sortir, dans ses airs, de l’amour de soi-même ; |
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De redites sans nombre il fatigue les yeux, |
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Et plein de son image il se peint en tous lieux. |
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Il nous enseigne aussi les belles draperies |
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De grands plis bien jetés suffisamment nourries, |
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Dont l’ornement aux yeux doit conserver le nu : |
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Mais qui pour le marquer soit un peu retenu ; |
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Qui ne s’y colle point, mais en suive la grâce, |
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Et sans la serrer trop, la caresse, et l’embrasse. |
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Il nous montre à quel air ; dans quelles actions ; |
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Se distinguent à l’œil toutes les passions. |
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Les mouvements du cœur, peints d’une adresse extrême, |
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Par des gestes puisés dans la passion même. |
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Bien marqués, pour parler, appuyés, forts, et nets ; |
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Imitant en vigueur les gestes des muets, |
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Qui veulent réparer la voix que la nature |
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Leur a voulu nier ainsi qu’à la peinture. |
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Il nous étale enfin les mystères exquis |
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De la belle partie où triompha Zeuxis |
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Et qui le revêtant d’une gloire immortelle, |
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Le fit aller du pair avec le grand Apelle. |
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L’union, les concerts, et les tons des couleurs, |
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Contrastes, amitiés, ruptures et valeurs: |
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Qui font les grands effets, les fortes impostures, |
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L’achèvement de l’art, et l’âme des figures. |
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Il nous dit clairement dans quel choix le plus beau ; |
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On peut prendre le jour, et le champ [28] du tableau. |
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Les distributions, et d’ombre, et de lumière, |
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Sur chacun des objets, et sur la masse entière. |
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Leur dégradation dans l’espace de l’air, |
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Par les tons différents de l’obscur et du clair ; |
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Et quelle force il faut aux objets mis en place, |
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Que l’approche distingue, et le lointain efface. |
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Les gracieux repos, que par des soins communs, |
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Les bruns donnent aux clairs, comme les clairs aux bruns. |
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Avec quel agrément d’insensible passage |
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Doivent ces opposés entrer en assemblage ; |
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Par quelle douce chute ils doivent y tomber, |
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Et dans un milieu tendre aux yeux se dérober. |
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Ces fonds officieux qu’avec art on se donne, |
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Qui reçoivent si bien ce qu’on leur abandonne. |
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Par quels coups de pinceau formant de la rondeur, |
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Le peintre donne au plat le relief du sculpteur. |
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Quel adoucissement des teintes de lumière |
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Fait perdre ce qui tourne, et le chasse derrière, |
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Et comme avec un champ fuyant, vague et léger, |
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La fierté de l’obscur sur la douceur du clair |
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Triomphant de la toile, en tire avec puissance |
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Les figures que veut garder sa résistance, |
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Et malgré tout l’effort qu’elle oppose à ses coups, |
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Les détache du fond, et les amène à nous. |
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Il nous dit tout cela, ton admirable ouvrage : |
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Mais, illustre Mignard, n’en prends aucun ombrage, |
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Ne crains pas que ton art, par ta main découvert, |
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À marcher sur tes pas tienne un chemin ouvert ; |
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Et que de ses leçons les grands, et beaux oracles |
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Élèvent d’autres mains à tes doctes miracles. |
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Il y faut les talents que ton mérite joint; |
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Et ce sont des secrets qui ne s’apprennent point. |
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On n’acquiert point, Mignard, par les soins qu’on se donne, |
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Trois choses dont les dons brillent dans ta personne ; |
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Les passions, la grâce, et les tons de couleur, |
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Qui des riches tableaux font l’exquise valeur. |
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Ce sont présents du Ciel, qu’on voit peu, qu’il assemble, |
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Et les siècles ont peine à les trouver ensemble. |
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C’est par là qu’à nos yeux nuls travaux enfantés |
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De ton noble travail n’atteindront les beautés. |
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Malgré tous les pinceaux, que ta gloire réveille, |
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Il sera de nos jours la fameuse merveille ; |
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Et des bouts de la terre, en ces superbes lieux, |
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Attirera les pas des savants curieux. |
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Ô vous, dignes objets de la noble tendresse, |
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Qu’a fait briller pour vous cette auguste princesse, |
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Dont au grand Dieu naissant, au véritable Dieu, |
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Le zèle magnifique a consacré ce lieu ; |
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Purs esprits, où du Ciel sont les grâces infuses, |
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Beaux temples des vertus, admirables recluses, |
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Qui dans votre retraite, avec tant de ferveur, |
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Mêlez parfaitement la retraite du cœur ; |
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Et par un choix pieux hors du monde placées, |
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Ne détachez vers lui nulle de vos pensées, |
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Qu’il vous est cher d’avoir sans cesse devant vous |
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Ce tableau de l’objet de vos vœux les plus doux ; |
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D’y nourrir par vos yeux les précieuses flammes, |
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Dont si fidèlement brûlent vos belles âmes ; |
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D’y sentir redoubler l’ardeur de vos désirs ; |
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D’y donner à toute heure un encens de soupirs ; |
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Des célestes beautés de la gloire éternelle, |
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Beautés qui dans leurs fers tiennent vos libertés, |
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Et vous font mépriser toutes autres beautés. |
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Et toi qui fus jadis la maîtresse du monde, |
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Docte et fameuse école, en raretés féconde ; |
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Où les arts déterrés ont par un digne effort, |
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Réparé les dégâts des barbares du Nord ; |
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Source des beaux débris des siècles mémorables, |
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Ô Rome, qu’à tes soins nous sommes redevables |
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De nous avoir rendu façonné de ta main, |
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Ce grand homme chez toi devenu tout Romain, |
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Dont le pinceau célèbre, avec magnificence, |
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De ses riches travaux vient parer notre France ; |
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Et dans un noble lustre y produire à nos yeux |
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Cette belle peinture inconnue en ces lieux, |
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La fresque, dont la grâce, à l’autre préférée |
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Se conserve un éclat d’éternelle durée : |
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Mais dont la promptitude, et les brusques fiertés |
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Veulent un grand génie à toucher ses beautés. |
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De l’autre, qu’on connaît, la traitable méthode |
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Aux faiblesses d’un peintre aisément s’accommode. |
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La paresse de l’huile, allant avec lenteur, |
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Du plus tardif génie attend la pesanteur. |
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Elle sait secourir, par le temps qu’elle donne, |
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Les faux pas que peut faire un pinceau, qui tâtonne ; |
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Et sur cette peinture on peut, pour faire mieux, |
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Revenir, quand on veut, avec de nouveaux yeux. |
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Cette commodité de retoucher l’ouvrage, |
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Aux peintres chancelants est un grand avantage : |
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Et ce qu’on ne fait pas en vingt fois qu’on reprend, |
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On le peut faire en trente, on le peut faire en cent. |
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Mais la fresque est pressante, et veut sans complaisance |
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Qu’un peintre s’accommode à son impatience ; |
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La traite à sa manière, et d’un travail soudain |
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Saisisse le moment, qu’elle donne à sa main. |
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La sévère rigueur de ce moment, qui passe, |
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Aux erreurs d’un pinceau ne fait aucune grâce. |
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Avec elle il n’est point de retour à tenter ; |
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Et tout au premier coup se doit exécuter. |
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Elle veut un esprit, où se rencontre unie |
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La pleine connaissance avec le grand génie ; |
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Secouru d’une main propre à le seconder, |
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Et maîtresse de l’art jusqu’à le gourmander; |
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Une main prompte à suivre un beau feu qui la guide, |
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Et dont comme un éclair, la justesse rapide |
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Répande dans ses fonds, à grands traits non tâtés, |
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De ses expressions les touchantes beautés. |
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C’est par là que la fresque éclatante de gloire, |
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Sur les honneurs de l’autre emporte la victoire, |
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Et que tous les savants, en juges délicats, |
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Donnent la préférence à ses mâles appas. |
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Cent doctes mains chez elle ont cherché la louange ; |
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Et Jules, Annibal, Raphaël, Michel-Ange, |
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Les Mignards de leur siècle, en illustres rivaux |
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Ont voulu par la fresque anoblir leurs travaux. |
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Nous la voyons ici doctement revêtue |
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De tous les grands attraits qui surprennent la vue. |
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Jamais rien de pareil n’a paru dans ces lieux ; |
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Et la belle inconnue a frappé tous les yeux. |
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Elle a non-seulement, par ses grâces fertiles, |
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Charmé du grand Paris les connaisseurs habiles, |
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Et touché de la cour le beau monde savant : |
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Ses miracles encor ont passé plus avant ; |
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Et de nos courtisans les plus légers d’étude |
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Elle a pour quelque temps fixé l’inquiétude; |
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Arrêté leur esprit ; attaché leurs regards, |
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Et fait descendre en eux quelque goût des beaux-arts. |
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Mais ce qui plus que tout élève son mérite, |
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C’est de l’auguste Roi l’éclatante visite. |
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Ce monarque dont l’âme aux grandes qualités |
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Joint un goût délicat des savantes beautés, |
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Qui séparant le bon d’avec son apparence |
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Décide sans erreur, et loue avec prudence ; |
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LOUIS, le grand LOUIS, dont l’esprit souverain |
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Ne dit rien au hasard, et voit tout d’un œil sain, |
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A versé de sa bouche à ses grâces brillantes |
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De deux précieux mots les douceurs chatouillantes ; |
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Et l’on sait qu’en deux mots ce roi judicieux |
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Fait des plus beaux travaux l’éloge glorieux. |
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Colbert, dont le bon goût suit celui de son maître, |
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A senti même charme, et nous le fait paraître. |
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Ce vigoureux génie au travail si constant, |
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Dont la vaste prudence, à tous emplois s’étend ; |
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Qui du choix souverain tient, par son haut mérite, |
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Du commerce et des arts la suprême conduite, |
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A d’une noble idée enfanté le dessein, |
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Qu’il confie aux talents de cette docte main ; |
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Et dont il veut par elle attacher la richesse |
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Aux sacrés murs du temple où son cœur s’intéresse. |
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La voilà, cette main, qui se met en chaleur : |
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Elle prend les pinceaux, trace, étend la couleur, |
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Empâte, adoucit, touche, et ne fait nulle pose : |
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Voilà qu’elle a fini ; l’ouvrage aux yeux s’expose ; |
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Et nous y découvrons, aux yeux des grands experts, |
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Trois miracles de l’art en trois tableaux divers; |
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Mais parmi cent objets d’une beauté touchante, |
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Le Dieu porte au respect, et n’a rien qui n’enchante. |
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Rien en grâce, en douceur, en vive majesté, |
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Qui ne présente à l’œil une divinité. |
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Elle est toute en ces traits, si brillants de noblesse. |
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La grandeur y paraît, l’équité, la sagesse, |
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La bonté, la puissance ; enfin ces traits font voir |
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Ce que l’esprit de l’homme a peine à concevoir. |
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Poursuis, ô grand Colbert, à vouloir dans la France |
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Des arts que tu régis établir l’excellence ; |
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Et donne à ce projet, et si grand, et si beau, |
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Tous les riches moments d’un si docte pinceau. |
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Attache à des travaux, dont l’éclat te renomme, |
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Le reste précieux des jours de ce grand homme. |
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Tels hommes rarement se peuvent présenter ; |
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Et quand le ciel les donne il en faut profiter. |
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De ces mains, dont les temps ne sont guère prodigues, |
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Tu dois à l’univers les savantes fatigues. |
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C’est à ton ministère à les aller saisir ; |
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Pour les mettre aux emplois, que tu peux leur choisir ; |
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Et pour ta propre gloire il ne faut point attendre, |
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Qu’elles viennent t’offrir, ce que ton choix doit prendre. |
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Les grands hommes, Colbert, sont mauvais courtisans ; |
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Peu faits à s’acquitter des devoirs complaisans. |
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À leurs réflexions tout entiers ils se donnent, |
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Et ce n’est que par là, qu’ils se perfectionnent. |
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L’étude et la visite ont leurs talents à part. |
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Qui se donne à sa cour, se dérobe à son art. |
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Un esprit partagé rarement s’y consomme; |
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Et les emplois de feu demandent tout un homme. |
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Ils ne sauraient quitter les soins de leur métier, |
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Pour aller chaque jour fatiguer ton portier; |
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Ni partout près de toi, par d’assidus hommages, |
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Mendier des prôneurs les éclatants suffrages. |
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Cet amour de travail, qui toujours règne en eux, |
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Rend à tous autres soins leur esprit paresseux ; |
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Et tu dois consentir à cette négligence, |
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Qui de leurs beaux talents te nourrit l’excellence. |
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Souffre que dans leur art s’avançant chaque jour, |
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Par leurs ouvrages seuls ils te fassent leur cour. |
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Leur mérite à tes yeux y peut assez paraître. |
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Consultes-en ton goût ; il s’y connaît en maître, |
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Et te dira toujours, pour l’honneur de ton choix, |
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Sur qui tu dois verser l’éclat des grands emplois. |
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C’est ainsi que des arts la renaissante gloire |
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De tes illustres soins ornera la mémoire, |
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Et que ton nom porté dans cent travaux pompeux |
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Passera triomphant à nos derniers neveux. |
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