Publicité

En Suisse, l’heure de l’urgence climatique a sonné

Gymnasiens, apprentis, étudiants: ils étaient 22 000, de Genève à Zurich en passant par Fribourg, à bouder les cours pour descendre dans la rue en faveur du climat vendredi. Cet afflux massif et inédit presse les autorités de prendre des mesures radicales pour l’environnement

Les gymnasiens vaudois à la Place de la Riponne, manifestant en faveur du climat. — © Yves Leresche
Les gymnasiens vaudois à la Place de la Riponne, manifestant en faveur du climat. — © Yves Leresche

«Il n’y a pas de planète B», «Politiques, faites votre taf», «Make weather great again»: ces slogans ont régné en maître toute la journée de vendredi lors de la grève du climat des jeunes. Ce mouvement d’ampleur nationale a vu 22 000 gymnasiens, apprentis et étudiants crier à l’urgence climatique dans les rues de Lausanne, Fribourg ou Saint-Gall au lieu d’aller en classe. Au total, une quinzaine de villes du pays ont été investies par les jeunes dans une ambiance festive et sans faire d’incidents.

Lire aussi: A Genève, l’école obligatoire peut faire grève pour le climat avec la bénédiction du DIP

C’est dans la capitale vaudoise que la mobilisation a été la plus massive, avec plus de 8000 participants de tout le canton et auxquels Le Temps s’est mêlé. La fièvre écologique a aussi essaimé au bout du lac: plus de 4000 écoliers genevois, également au degré obligatoire grâce à la tolérance des autorités, ont fait grève. D’abord dans les établissements scolaires avec des activités organisées par les enseignants en lien avec la thématique, puis dans les rues de Genève. A Neuchâtel, 1500 jeunes ont déposé une résolution à la Chancellerie d’Etat et vont lancer une motion populaire. Les élèves fribourgeois étaient au nombre de 1000. Bienne a vu défiler 300 participants, idem à Sion. Les militants valaisans seront entendus par les autorités cantonales.

Lire également: L’activiste pour le climat Greta Thunberg se rendra en train à Davos

Le mouvement a été moins suivi côté alémanique où deux actions ont déjà eu lieu en décembre, comme à Zurich et Bâle, qui ont néanmoins vu défiler quelque 2000 personnes, respectivement 1000. A Berne, Lucerne et Aarau, plusieurs centaines de gymnasiens ont déserté les bancs d’école pour battre le pavé. Si Genève s’est montrée permissive tout en encadrant les élèves (aucune absence tolérée le matin), certains cantons, comme le Valais et Saint-Gall, ont décidé d’appliquer la tolérance zéro. Dans le canton de Vaud, les directives variaient selon les établissements, mais la plupart se sont montrés ouverts.

Voir encore notre vidéo: Ils ont fait la grève pour le climat

Inaction des autorités

Près de la cathédrale de Lausanne, les gymnasiens de la Cité se sont réunis à 9h50 précises. Avec comme mot d’ordre «A quoi bon étudier si nous n’avons pas d’avenir?», ils sont plusieurs centaines, banderoles et pancartes en main, à se mettre en marche pour rejoindre le grand rassemblement, près de la gare. En chemin, le cortège des gymnasiens de la Cité se mêle à celui de l’Ecole supérieure de la santé.

Lire encore: En Suisse, les étudiants appellent à une grève pour le climat

«L’environnement, c’est notre avenir. Les politiques ne prennent pas des mesures assez fortes dans ce domaine. On dirait qu’ils préfèrent mettre de l’argent ailleurs, par exemple dans l’armée, alors que le climat devrait être prioritaire», explique Léa Quartenoud, 21 ans. «C’est triste de voir que les autorités se dégonflent et font passer les intérêts économiques avant l’écologie», renchérit un gymnasien de Burier.

Car si les jeunes Suisses ont décidé de sécher les cours, c’est bien pour dénoncer la passivité des dirigeants du pays face au réchauffement climatique, démontrée début décembre lorsque le Conseil national a rejeté la loi sur le CO2, qui visait à respecter les engagements de l’Accord de Paris sur le climat. Près de 4000 jeunes avaient déjà manifesté le 21 décembre outre-Sarine, après une première action le 14. La vague de mobilisation a ensuite rapidement déferlé en Suisse romande, via les réseaux sociaux, et des groupes Whatsapp se sont créés pour chaque établissement. Un mouvement entièrement horizontal. Et international.

Lire finalement notre éditorial: L'indispensable sursaut des jeunes pour le climat

Les jeunes Suisses ont répondu à l’appel de Greta Thunberg, étudiante suédoise de 16 ans, qui sèche les cours tous les vendredis depuis des mois pour réclamer des actions urgentes face au réchauffement planétaire devant le parlement suédois. Celle qui incarne le visage de ce combat avait prononcé un discours remarqué lors de la COP24 en Pologne. Elle est attendue au Forum économique mondial (WEF) de Davos. Vendredi, les jeunes Allemands et Belges se sont aussi mobilisés.

Mieux sensibiliser à l’école

Sifflant avec énergie et scandant avec ferveur «On est plus chauds que le climat», le cortège descend la rue du Petit-Chêne, noire de monde, où convergent les manifestants des autres établissements. Brandissant une pancarte «Moins d’école, plus d’écologie», un groupe de cinq gymnasiens engagés explique l’importance de la démarche: «Il est rare qu’on se mobilise, c’est donc un signal fort. Nous, les jeunes, devons montrer l’exemple pour les générations futures, c’est comme ça que les mentalités peuvent changer à long terme.» Ils déplorent d’ailleurs qu’il n’y ait pas davantage de sensibilisation sur le thème du climat à l’école.

Récompenser ceux qui font les bons gestes en matière d’écologie, rendre les produits bios, Minergie et les voitures électriques accessibles à tous, s’inspirer des pays scandinaves, ou encore taxer les multinationales qui polluent sont autant de changements proposés par les jeunes rencontrés à la manifestation. Après des clameurs et un regroupement au complet au-dessus de la gare, la foule compacte poursuit son défilé direction le pont Chauderon, Bel-Air, la rue Centrale pour affluer sur la place de la Riponne vers midi.

Et après?

L’heure est aux discours. Une militante rappelle les revendications de cette grève: proclamer l’état d’urgence climatique, sortir des énergies fossiles d’ici à 2030 et, si ces requêtes ne sont pas concrétisées, changer le système. S’adressant aux autorités, la jeune femme affirme que «les changements individuels, c’est bien, mais il faut maintenant des mesures globales». «Agissez pour un avenir convenable, c’est la jeunesse qui vous le demande!» conclut-elle sa prise de parole acclamée par la foule agitant drapeaux et affiches.

Difficile de prédire l’impact qu’aura cette action. Léa Quartenoud souligne toutefois l’ampleur de la mobilisation et la forte attention médiatique. D’autres sont plus résignés: «Parfois j’ai l’impression que rien ne va changer, qu’il faudrait une catastrophe comme Fukushima pour que les autorités réagissent.» Une nouvelle action est d’ores et déjà prévue le 2 février. Il se murmure aussi que la conseillère fédérale chargée de l’environnement, Simonetta Sommaruga, devrait rencontrer une délégation de jeunes militants.