L'électro de Jean-Jacques Perrey

C’est en 1953 que le Français Jean-Jacques Perrey a débuté sa carrière musicale avec l’ondioline, l'ancêtre du synthétiseur. Loin des expérimentations avant-gardistes, il a popularisé les sons électroniques tant en France qu’aux Etats-Unis, et a été largement samplé par le hip-hop. Âgé de 78 ans, il continue à multiplier les rencontres musicales et vient de sortir Mood Acid avec le Britannique Luke Vibert.

Drôles de rencontres

C’est en 1953 que le Français Jean-Jacques Perrey a débuté sa carrière musicale avec l’ondioline, l'ancêtre du synthétiseur. Loin des expérimentations avant-gardistes, il a popularisé les sons électroniques tant en France qu’aux Etats-Unis, et a été largement samplé par le hip-hop. Âgé de 78 ans, il continue à multiplier les rencontres musicales et vient de sortir Mood Acid avec le Britannique Luke Vibert.

RFI Musique : Par votre formation, vous auriez dû être médecin et non pas musicien…
Jean-Jacques Perrey : Oui, j’ai fait des études de médecine à Paris. J’étais déjà très porté sur la musique, et un jour, j’ai entendu à la radio un inventeur du nom de Georges Jenny, qui avait créé un instrument de musique : l’ondioline. Il était magique pour moi, car c’était un instrument de soliste avec beaucoup moins de limites que les instruments électroniques d’alors. Je suis donc devenu démonstrateur officiel de l’ondioline dans toutes les foires européennes. J’ai également participé à des numéros de music hall dans toute l’Europe. Et Charles Trenet m’a demandé de faire un accompagnement à l’ondioline pour sa chanson L’Âme des Poètes. Un jour que je faisais mon numéro dans une station de ski, j’ai eu la surprise de rencontrer Jean Cocteau, qui m’a déclaré : "vous ne devriez pas rester en France, ce pays a 20 ans de retard sur les Etats-Unis, vous n’y serez jamais reconnu. Si vous le voulez, je vais vous donner une opportunité d’aller aux Etats-Unis." Quelques temps après, j’ai reçu un appel du secrétariat d’Édith Piaf, me disant qu’elle voulait me voir. Je l’ai rencontrée, elle m’a dit : "vous jouez de cet instrument magique dont j’ai entendu parler par mon ami Jean Cocteau. J’aimerais bien pouvoir en jouer aussi." Évidemment, elle était plus chanteuse que musicienne, c’est donc moi qui ai joué sur certaines de ses chansons.

C’est Édith Piaf qui vous a permis de rejoindre les Etats-Unis…
Édith Piaf m’a indiqué une personne et un studio à New York, afin que je puisse enregistrer ma démonstration d’ondioline. En 1960, j’étais parti pour rester trois semaines, finalement, j’y suis resté dix ans. Le producteur Caroll Bratmann est ainsi devenu mon sponsor. J’ai commencé à faire des musiques pour des publicités à la télévision, et cela a très bien marché.

J’ai rencontré Gershon Kingsley [l’auteur du fameux Popcorn, ndlr]. Il avait entendu parler d’un Français qui composait des boucles sonores déjantées, il était un peu intrigué. C’est un système de composition emprunté à Pierre Schaeffer [père de la musique concrète, ndlr], que j’ai appliqué à de la musique récréative avec succès. Avec Gershon Kingsley, nous avons composé deux vinyles et notamment le titre E.V.A.

Votre titre E.V.A. a depuis été très utilisé par le rap américain !
Cela a commencé avec DJ Premier et Gangstarr, puis il y en a eu beaucoup d’autres. Ils faisaient des boucles pour faire du rap dessus. Je ne suis pas contre l’utilisation d’autres musiques, c’est un honneur, et tout s’est arrangé sans aucun avocat.

Qui d’autre avez-vous croisé aux Etats-Unis ?
J’ai rencontré Walt Disney sur un plateau de télévision, il m’avait invité chez lui en Californie pour que je compose quelques pistes pour des dessins animés. D’ailleurs, un de mes morceaux a été utilisé comme thème de la parade électrique des parcs d’attraction Disney. J’ai également rencontré Robert Moog, l’inventeur du synthétiseur du même nom, que j’ai souvent utilisé.

La musique électronique est devenue plus populaire, suivez-vous les artistes français dans ce genre ?

Personnellement, je suis un fan de Mozart, et il m’est difficile d’accepter que l’on puisse faire la même chose qu’un orchestre symphonique avec un synthétiseur et un ordinateur.

Je connais bien Air, avec qui j’avais composé Cosmic Bird pour une compilation. Beaucoup d’artistes français qui m’ont demandé de travailler avec eux, mais je ne peux pas être partout à la fois. Je ne suis pas fan de techno, c’est une musique répétitive pour les clubs, pas à écouter, contrairement à ma musique. Ce n’est pas mon siècle…

Comment s’est passé l’enregistrement de votre dernier disque avec le Britannique Luke Vibert ? Il est issu de cette sphère techno.
Nous nous sommes rencontrés en 2001 lors d’un concert à Londres. Il m’a alors dit qu’il voulait absolument que nous fassions un disque ensemble. Il a d’abord enregistré des effets sonores en studio à Paris, puis il a travaillé plusieurs mois dessus en Grande-Bretagne. Ce n’est pas mon style personnel. Mais, même si j’ai été surpris, je trouve le résultat excellent. Il est possible que nous fassions des spectacles ensemble.

Jean-Jacques Perrey & Luke Vibert, Moog Acid (Lo Recordings/La Baleine) 2007.
Jean-Jacques Perrey, The amazing new electronic pop sound of Jean-Jacques Perrey (Vanguard) 1968