Vivre, dormir et travailler à Bercy

Ma vie, c’est Bercy. J’y vis, j’y travaille, j’y dors. Quand je me réveille, à 6 heures du matin, dans mon appartement de fonction avec vue plongeante sur la Seine, au sixième et dernier étage du ministère de l’Economie et des Finances, j’ai besoin du même rituel : vingt minutes de yoga et d’abdominaux, une douche fraîche et la radio, avec, dans l’ordre, France Info, France Culture, Radio Classique et Europe 1. Ensuite, j’enchaîne les rendez-vous. Une réunion à Matignon, les questions d’actualité à l’Assemblée nationale, un voyage à Bruxelles pour l’Eurogroupe (ndlr : le directoire économique de la zone euro). En décembre, je me suis rendue en Syrie, à Dubaï et enChine. Je profite de l’avion pour dormir. Et puis, j’ai un secret : ma came, c’est le chocolat.

Savoir imposer ses méthodes en douceur

Ce que j’ai changé depuis que je suis ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi ? La moquette ! Certains trouvent scandaleux d’avoir posé une moquette « peau de zèbre » dans le bureau. Moi, je trouve ça très beau. Plus sérieusement, j’essaie d’alléger le protocole et d’utiliser des méthodes de travail efficaces. Quand j’ai besoin d’une information, j’appelle directement la bonne personne en squeezant la hiérarchie. Au début, ça choquait. Aujourd’hui, c’est ma marque de fabrique. J’ai été avocate pendant vingt-quatre ans chez Baker & McKenzie. J’ai vécu cinq ans à Chicago. J’ai adoré. Les gens chaleureux, l’architecture magnifique et, surtout, le lac Michigan… Normal, je suis une fille de la mer, élevée au Havre. J’ai dû être un dauphin dans une vie antérieure car j’ai besoin d’espace et d’horizon.

Trouver un équilibre avec sa vie de famille

Je n’ai choisi la politique ni pour l’argent ni pour la gloire. J’étais à deux ans de la retraite dans mon « partnership », j’aurais pu aller tailler mes rosiers en Normandie. Mais j’étais trop frustrée d’entendre des critiques sur la France. Et puis, j’avais envie d’un nouveau challenge. Je n’ai pas été déçue : au début, j’en ai pris plein la figure, certains ne donnaient pas cher de ma peau mais, aujourd’hui, je n’ai aucun regret. Dès que je le peux, je dîne chez moi, square de l’Alboni, dans le 16e. Aujourd’hui, c’est plutôt devenu chez mes fils. Ils ont 23 et 21 ans. L’un travaille chez Apple, l’autre étudie l’architecture. Ils détestent être « les fils de ». Ils ont envie d’avoir leur vie à eux avec leurs copains, leur équilibre. C’est parfois douloureux de s’entendre dire : « Je préfère qu’ils ne sachent pas que tu es ma mère », mais je le respecte. Quand jedébarque, à 23 heures, j’ouvre le frigo et on improvise un repas. Je m’effondre en lisant « Espèces d’espaces », de Georges Perec, et en écoutant Barbara, que je connais par coeur.

Mon dada ? L'opéra !

Le soir, je sors peu, sauf pour écouter chanter mon frère à l’Opéra. Il est baryton et sa femme, cantatrice, est soprane. La dernière fois, je suis allée les voir chanter au profit d’Europa Donna, une association européenne de lutte contre le cancer du sein. Mes week-ends préférés, je les passe à Marseille avec mon compagnon, Xavier. C’est sa ville, alors je me laisse guider. Je fais de la plongée, je me baigne. Papoter au marché du Vieux-Port, avec Christine, une poissonnière formidable qui a des brastrois fois plus musclés que les miens et qui a une pêche d’enfer, ça fait décompresser ! Xavier me dit souvent qu’il est mon bouclier conjugal, qu’il me protège des intrus… Je crois que la vie politique m’a endurcie. Quand j’étais en équipe de France de natation synchronisée, l’entraîneur nous martelait : « Serre les dents et souris. » Alors, voilà, aujourd’hui, je serre les dents, je souris. Et je fais le job !