Denis Pernot : « Le Feu de Barbusse prétend dire la guerre telle qu'elle est »

Denis Pernot est professeur de littérature française à l’université Paris-13, spécialisé dans la période couvrant notamment la Première guerre mondiale. Un siècle après la publication du roman Le Feu d’Henri Barbusse, récompensé par le prix Goncourt en 1916, il revient sur l’originalité et l’impact de cet ouvrage.

Les prix Goncourt 1914 et 1915, déjà, avaient été décernés à des écrivains poilus, pour des romans portant sur la guerre. En quoi Le Feu se distingue-t-il ? Comment expliquez-vous l’engouement à la sortie du livre et son statut de premier grand succès sur la réalité de la guerre telle que la vivaient les soldats ?

Denis Pernot Le Goncourt 1914 est décerné à Adrien Bertrand pour L’Appel du sol le même jour que le Goncourt 1916. La question ne se pose donc que pour Gaspard de René Benjamin, Goncourt 1915. À la différence de ce roman, qui montre la guerre sous un jour gai et qui relève, de ce fait, du bourrage de crâne, Le Feu prétend dire la guerre telle qu’elle est. Le succès du livre de Barbusse tient également à sa publication en feuilleton dans L’Oeuvre, quotidien dirigé par Gustave Téry, qui fait de la lutte contre la censure et le bourrage de crâne l’élément central de sa ligne éditoriale. Le Feu a donc été très lu avant même de devenir un livre, notamment sur le front. En témoignent de très nombreuses lettres reçues par Barbusse et conservées par lui. Un autre lectorat a été touché par son livre – un lectorat de femmes dont il est possible de supposer qu’il ne savait pas grand chose de la vie sur le front (les combattants autocensuraient leurs propos devant leurs mères, sœurs ou épouses). Il convient par ailleurs de dire que Flammarion a fait une campagne publicitaire d’importance exceptionnelle pour attirer l’attention sur le livre de Barbusse.

Il est aujourd’hui retenu qu’avant Henri Barbusse, une part importante de la presse diffusait une vision tronquée, épique des combats, se coulant dans le modèle d’un affrontement glorieux où la valeur des hommes l’emporte. Barbusse, au plus près des soldats, décrit des combats sans précédent dans l’histoire de la guerre. A ce titre, comment a été accueilli l’ouvrage de Barbusse et quelle place tient-il dans le récit de guerre ?

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