Damien, confirmez-vous que Renaud Lavillenie a décidé de ne plus
s’entraîner avec vous ?
Je ne peux que confirmer. Il est rentré de vacances, et tout se
passait normalement au début. On a parlé de ceci, cela, de petites
choses qu’il fallait faire. Et mercredi, il m’a dit qu’il fallait
qu’on se voie un petit quart d’heure. On a pris rendez-vous et ça a
duré un peu plus longtemps, parce que j’ai donné mes arguments.
Qu’est-ce qui a motivé sa décision ?
Je le sais, mais j’attends de voir sa version officielle pour voir
comment il va justifier ça. Je n’ai jamais demandé d’argent, donc
ce n’est pas une question d’argent. Et ce n’est pas une question de
bilan non plus, puisqu’il a tout gagné. Il a la possibilité de
battre le record du monde, il a décidé d’aller le faire avec
quelqu’un d’autre.
Vous a-t-il également annoncé l’identité de son nouveau coach
lors de votre entrevue ?
Oui, et ça m’a fait plaisir ! Philippe d’Encausse est quand
même mon ancien coach, patron du pôle France, et ça fait 10 ans que
je fais du bénévolat pour eux. En fait, lui est payé pour que je
travaille. Et à la fin, il me la fait comme ça… Donc ça fait
plaisir, surtout que ça fait un moment que je le vois, et quasiment
tous les jours. Il ne m’a rien dit. Ça me touche, cette amitié…
Vous disiez déjà après les championnats d’Europe que vous
n’aviez jamais été payé pour votre travail…
Les gains sont à 100% pour lui, ou pour son manager. Pas pour moi
en tout cas, et je n’ai jamais eu cette exigence. Je me suis dit
qu’un petit cadeau n’aurait pas fait de mal, lui non… Ce n’est pas
grave, c’est son caractère. Je tairai mon point de vue là-dessus.
Ce que j’apprécie énormément de sa part, c’est que ça s’est passé
mercredi alors que la négociation entre la Fédération et le Conseil
général avait lieu deux jours plus tard.
De quoi s’agit-il ?
Les deux présidents se sont vus vendredi. Je ne peux pas dire ce
qu’il en est ressorti, c’était pour négocier à nouveau ma mise à
disposition, mon avenir. Vu qu’en France, l’entraîneur n’est rien
du tout sans l’athlète, je vais voir à quelle sauce je vais me
faire manger…
Cette réunion allait-elle être plutôt positive pour
vous ?
La Fédération avait pris des engagements très positifs envers moi
après les Jeux Olympiques. Je ne sais pas si elle va rester dans
les clous, si elle va revoir à la baisse ou si ça va s’annuler. Je
me retrouve le bec dans l’eau.
Ça ressemble à un coup de poignard dans le dos…
C’est un peu ce que je lui ai dit. Il y avait ces mots, et il y en
avait d’autres.
« Pas un remerciement »
Quelle a été sa réaction ?
Pour lui, tout est normal. Il a décidé de changer d’entraîneur, il
n’y a aucun problème.
Le sentiment qui prédomine chez vous est-il celui de la
déception ?
Je me faisais peu d’illusions sur la nature humaine, je m’en fais
encore moins. J’avais appelé Maurice Houvion avant la finale des
Jeux pour discuter, car la perche est une grande famille et je lui
dois beaucoup. Il m’avait dit: « S’il gagne, ce sera
fantastique, ça va changer ta vie. » Et effectivement, ça
change ma vision de la vie ! Je sens qu’elle prend une autre
tournure.
Quel avenir pour vous ?
Tout dépend de ce qui sera proposé. Il y a trois avenirs possibles.
Je peux avoir une proposition décente pour quelqu’un qui a les
connaissances pour faire sauter un champion olympique. Dans ce
cas-là, je trouverai un terrain d’entente avec la Fédération. Si on
ne me propose rien d’intéressant, l’entraîneur de ce champion
olympique sera agent d’accueil au Conseil fédéral. Et je chercherai
un boulot dans un autre pays.
Et pour Renaud Lavillenie, quelle suite imaginez-vous ?
Ça ne me regarde plus. Pendant quatre ans, j’ai vécu pour qu’il
soit au mieux, pour qu’il saute le plus haut possible. Il avait la
possibilité de faire le record du monde à Bercy, donc en termes de
performance, je pense qu’il peut le battre. Les athlètes sont
orgueilleux, donc à partir du moment où il a changé de coach, il va
vouloir montrer qu’il a eu raison. Il peut faire le record du
monde, mais en tout cas, ce ne sera pas avec moi.
Valentin, son petit frère, reste-t-il malgré tout avec
vous ?
Non, je lui ai montré la sortie. C’est son grand frère qui m’avait
demandé de le prendre dans le groupe, donc je considère que l’un ne
va pas sans l’autre. Quand le ver est dans le fruit, mieux vaut
virer tous les vers.
Quel est le souvenir le plus marquant que vous garderez de votre
collaboration ?
Le moment où il s’est barré ! De toute façon, j’ai autant de
bons souvenirs avec lui depuis 10 ans qu’avec les petits jeunes que
j’ai formés et amenés en équipe de France. Là, je vois plus ses
défauts que les bons moments passés avec lui. Je n’ai pas une
vision objective, et je ne vois même pas pourquoi je trouverais
quelque chose de positif chez lui.
En gros, les Jeux sont encore tout près mais déjà bien loin pour
vous…
Oui. Et de toute façon, j’ai simplement eu le droit à une poignée
de main. Et pas un remerciement.