Prix Nobel de médecine en 2008 pour avoir co-découvert le virus du sida, le Pr Luc Montagnier a répondu dimanche 19 juin 2016 à l'invitation de Lyme sans frontière, association qui fédère des patients atteints de la maladie de Lyme qui, pour beaucoup, sont en colère contre l'approche officielle de cette infection bactérienne transmise lors d'une morsure de tique. Alors que plusieurs d'entre eux viennent de déposer plainte contre des tests jugés peu fiables, le Pr Montagnier est venu leur apporter un virulent soutien. Pour lui, cela ne fait aucun doute : la maladie de Lyme est très mal diagnostiquée et soignée en France, en raison d'une "grande ignorance sur son caractère chronique". Très remonté, il a jugé "lamentable que les pouvoirs publics et les autorités de santé n'aient pas une politique cohérente sur la maladie de Lyme", soulignant "une ignorance totale sur le sujet, d'une grande partie de la communauté médicale et scientifique."
Un test "plus fiable", vraiment ?
En réalité, il y a un débat complexe entre spécialistes des maladies infectieuses autour des mécanismes à l'œuvre dans la maladie de Lyme. Cette infection bactérienne peut-elle dégénérer en infection chronique ? Ou les douleurs subies pendant des années par certains patients sont-elles dues à des lésions résiduelles, articulaire notamment ? Mais le Pr Luc Montagnier n'était pas là pour apporter un éclairage scientifique sur la question. Non, celui qui s'intéressait il y a peu encore à la mémoire de l'eau - théorie jugée a minima farfelue par la communauté scientifique - était aussi (surtout ?) venu annoncer la mise au point d'un test de diagnostic, "plus fiable" selon lui, développé au sein du laboratoire qui porte son nom. Ce test consisterait à détecter, dans le plasma sanguin, l'ADN de la bactérie, en captant des ondes électromagnétiques émises par l'échantillon de sang étudié. Luc Montanier a toutefois pris soin de préciser que cette approche électromagnétique n'était "pas reconnue par un certain nombre de scientifiques, si bien qu'on a du mal à la faire valider". Et pour cause, aucune publication scientifique sérieuse n'est parvenue, pour l'instant, à prouver la crédibilité d'une telle approche.
C'est ce genre de message qui jette le trouble dans l'esprit des gens" - Pr Daniel Christmann, service des maladies infectieuses du CHU de Strasbourg.
L'annonce ferait presque tomber de sa chaise le Pr Daniel Christmann, du service des maladies infectieuses du CHU de Strasbourg. Ce spécialiste de la maladie de Lyme qui exerce dans une région particulièrement touchée - l'Alsace - et qui dit recevoir en moyenne 6 nouveaux patients chaque semaine regrette ce genre de déclarations : "Là il va falloir qu'on m'explique... Ça n'a pas de sens. Ne serait-ce que parce que la bactérie est dans la circulation sanguine pendant une période courte à la fin de la phase primaire et non en phase secondaire", explique le médecin. Difficile dans ce cas de détecter la bactérie dans un échantillon sanguin, a fortiori par le biais de mystérieuses ondes électromagnétiques. Une théorie qui a inspiré cette saillie au docteur Jean-Jacques Fraslin sur Twitter :
.@DrGomi Cela peut-être contre productif. Comme le test Elisa n'est pas fiable, le Pr Montagnier veut détecter les box wifi des borrélies...
— Jean-Jacques Fraslin (@Fraslin) 21 juin 2016
Pour le reste, il regrette cette façon très polémique d'aborder la maladie de Lyme. "C'est ce genre de message qui jette le trouble dans l'esprit des gens. On reçoit beaucoup de patients complètement paniqués à l'idée d'avoir une maladie de Lyme. Il faut leur expliquer que ce n'est pas si grave et qu'on en guérit très bien dans l'immense majorité des cas, en traitant par antibiotiques." Il avoue d'ailleurs ne pas comprendre "pourquoi il y a une telle fixation sur cette maladie qui est d'une relative simplicité". Un constat toutefois loin d'être partagé par l'ensemble des spécialistes de la maladie. Sciences et Avenir y reviendra bientôt.