Inma Cuesta et Adriana Ugarte dans Julieta de Pedro Almodovar.

Prod DB-El Deseo-Manolo Pavon / DR
JULIETA de Pedro Almodovar 2016 ESP.
avec Inma Cuesta et Adriana Ugarte
d'apres trois nouvelles du recueil "Fugitives" d'Alice Munro, "Hasard", "Bientot" et "Silence"

Inma Cuesta et Adriana Ugarte dans "Julieta" de Pedro Almodóvar.

Prod DB-El Deseo-Manolo Pavon

On reconnaît toujours les grands cinéastes à leur manière de se relancer après une sortie de route malheureuse. Avec Julieta, Pedro Almodóvar prouve qu'il fait plus que jamais partie de cette catégorie-là. Aux Amants passagers, comédie pataude et criarde, succède son exact contraire: une oeuvre sans cesse sur le fil, jamais débordée par ses propres émotions, volontairement froide, voire austère. Un drame bien plus qu'un mélodrame, dans les pas de cette Julieta qui lui donne son titre.

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Au début du film, on la découvre s'apprêtant à quitter Madrid où elle vit. On perçoit sur son visage un certain remords, mais sans comprendre vraiment pourquoi. Jusqu'à ce qu'elle croise une amie d'enfance de sa fille, Antia. Une rencontre a priori banale, mais qui va ouvrir un abîme sous ses pieds. Et un immense espoir: celui de revoir un jour cette fille disparue de sa vie le jour de ses 18 ans. Elle décide alors de lui écrire ce qu'elle a gardé en elle depuis ce jour. Comme un moyen de solder enfin ce passé.

Un climat étrange

C'est cette histoire trop longtemps tue qu'Almodóvar montre à l'écran: la rencontre de Julieta avec le père d'Antia, les années de joie qui ont suivi avant que sa mort - et plus précisément ses circonstances - ne provoque des dommages collatéraux à répétition.

Le récit de ce passé se fait par le prisme de cette mère veuve qui se vit responsable de tout - y compris des hasards malheureux - et voit les autres plus parfaits qu'ils ne sont. Un récit douloureux mais libérateur qui passe par la remise en question de ses certitudes et d'une culpabilité dans laquelle elle a fini par s'enfermer.

L'ensemble, intensément émouvant, pourrait se noyer dans un torrent de larmes. Or c'est l'inverse qui se produit. Dans sa mise en images comme dans le choix des couleurs vives, Julieta est traversé par une vraie dureté, et flirte allègrement, le temps d'une scène dans un train, magistrale de sensualité, avec le film noir.

Cette sobriété offre à ce film un climat étrange, où le malaise règne en permanence grâce à l'interprétation d'Emma Suarez et Adriana Ugarte qui se partagent le rôle de Julia. Deux comédiennes sublimes dans un film troublant, parfois mal aimable et, à ce titre, passionnant.

Julieta est adapté de trois nouvelles issues du recueil Fugitives, écrit par Alice Munro en 2004. Avant Pedro Almodóvar, Sarah Polley avait aussi porté sur grand écran l'un de ses textes, L'ours traversa la montagne, dans Loin d'elle, nommé à l'Oscar de l'adaptation 2008.

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