Élections espagnoles : un Ciudadanos à la française est-il possible ?

VIDÉO. Ces élections législatives confirment l'émergence de deux nouveaux partis politiques, Podemos et Ciudadanos, dirigés par des trentenaires.

Par Arnaud Dassier

Temps de lecture : 6 min

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Depuis la crise de 2008, la vie politique espagnole est soumise à des forces de rénovation qui visent à suppléer au bipartisme du Parti populaire et du Parti socialiste, tous deux soumis successivement à des scandales de corruption et à des leaders peu charismatiques et impopulaires. On connaissait déjà Podemos, le nouveau parti d'extrême gauche. Mais un autre parti émerge désormais au centre, Ciudadanos (« Citoyens »), dirigé par Albert Rivera, 36 ans.

En janvier 2015, Ciudadanos n'était crédité que de 3 % dans les sondages. Hier, il a obtenu plus de 15 % des votes. À cet étiage, l'éventualité qu'il dépasse un jour le Parti populaire devient possible, à l'image de ce que Podemos a réussi hier avec le Parti socialiste (PSOE). Un peu comme si, en France, le Parti libéral démocrate remplaçait le MoDem et l'UDI, puis menaçait Les Républicains, pour vous donner une idée du tremblement de terre politique que vit l'Espagne.

De quoi Ciudadanos est-il le nom ?

Ciudadanos, comme Podemos, propose une nouvelle manière de faire de la politique. Un style plus informel et une approche plus conversationnelle des réunions publiques. Plutôt que d'assommer leurs audiences sous des successions de discours, leurs leaders dialoguent avec la salle, en tenue décontractée.

Ciudadanos n'est pas né d'hier. Ce parti a été créé en Catalogne en 2005, par une poignée d'intellectuels issus de la classe moyenne. Son leader actuel, Albert Rivera, a commencé à droite, comme jeune militant du Parti populaire. Leur source d'inspiration est Son leader actuel, Albert Rivera, a commencé à droite, comme jeune militant du Parti populaire, qui a connu un incroyable succès aux États-Unis et dans le monde.

Méprisé par les médias traditionnels, Ciudadanos a percé sur Internet et en organisant des réunions publiques. Sa critique de la vieille caste politique espagnole a rencontré un écho auprès des jeunes cadres dynamiques désenchantés par les partis traditionnels après des années de crise et de corruption endémique. Il rassemble un électorat centriste, urbain, issu de la classe moyenne, incarnant l'Espagne moderne, qui semble avoir dépassé la vieille querelle entre les deux Espagnes, républicaine et catholique, dont la guerre civile a été le point d'orgue.

Bien qu'il préfère se dire centriste, Ciudadanos propose un projet libéral, un courant de pensée qui avait disparu de la vie politique espagnole depuis qu'il avait été écrasé entre l'extrême gauche et l'extrême droite pendant la guerre civile. Cohérent, il prône à la fois la libéralisation des drogues, celle de la prostitution et du marché du travail avec un contrat unique. Il souhaite également réduire l'impôt sur les sociétés de 30 à 20 %, et plafonner l'impôt sur le revenu à 43,5 %. Albert Rivera parle de « flexicurité » et de créer de la richesse avant de la répartir. Le modèle qu'il propose à l'Espagne est celui de l'Europe du Nord, répondant ainsi à l'humiliation des Espagnols d'avoir été classés parmi les PIGS (Portugal, Italie, Grèce et Espagne), eux qui étaient si fiers de leur développement depuis les années 80. Il veut créer des « institutions qui reflètent la société » avec des professionnels qui font de la politique, plutôt qu'avec des professionnels de la politique. Au final, Ciudadanos propose une rupture radicale à un pays habitué depuis 30 ans à un relatif consensus autour d'un modèle social-démocrate devenu inefficace et corrompu.

Un tel renouvellement de l'offre politique est-il possible en France ?

Le contexte semble porteur. À l'image des Espagnols, les Français ne sont visiblement pas satisfaits d'une offre politique qui reste bloquée sur les mêmes partis, les mêmes idées et les mêmes figures depuis 30 ans. Près de la moitié d'entre eux se sont abstenus ou ont voté blanc aux élections régionales. Sur la moitié qui s'est exprimée, un tiers l'a fait en faveur du FN. Le PS et Les Républicains, alliés au MoDem et à l'UDI, n'ont donc attiré que 30 % des inscrits. C'est faible pour gouverner, et encore plus pour mener des réformes ambitieuses. Faute de renouvellement et de crédibilité, Les Républicains ne tirent pas profit de l'impopularité du PS, se heurtant systématiquement à cette question « Mais pourquoi ne l'avez-vous pas fait lorsque vous étiez au pouvoir ? ».

.        Les Français ne veulent plus des partis traditionnels. Mais sont-ils prêts pour autant à voter pour d'autres partis moins connus ? Cela reste à prouver. Pour le moment, aucun Podemos ou Ciudadanos français n'a émergé. Et pour cause, la vie politique française est bien verrouillée :

·       Au niveau électoral d'abord, avec des scrutins majoritaires qui ne laissent quasiment aucune place aux petits partis émergents. Des fonctionnaires qui peuvent faire de la politique sans jamais risquer de perdre leur travail et leurs revenus, et deviennent d'indéboulonnables professionnels de la politique. François Hollande aurait abandonné l'idée d'introduire un peu de scrutin proportionnel, sacrifiant ses promesses et la nécessaire aération de la vie politique française à ses calculs politiciens ;

·       Au niveau financier ensuite, avec une loi sur le financement des partis politiques qui empêche l'émergence de nouveaux partis en interdisant les dons de plus de 7 500 euros ;

·       Au niveau médiatique enfin, car les médias traditionnels, et notamment les télévisions, s'assoient sur les règles du CSA et ne donnent aucune visibilité aux petits partis qui parviennent, après d'immenses efforts, à monter des listes et à financer leurs campagnes.

Un Ciudadanos à la française ?

Le MoDem puis l'UDI n'ont pas osé proposer un programme libéral et de nouveaux visages, ce qui les aurait utilement distingués des Républicains, des socialistes et du FN. Ils sont apparus pour ce qu'ils sont, des rassemblements d'élus centristes et d'ambitions déçues qui ne cherchent qu'à négocier leur pouvoir de nuisance avec Les Républicains.

Du côté de la société civile, des initiatives surgissent. Aux élections régionales, les listes issues de Nous citoyens et du Parti libéral démocrate ont rassemblé entre 1,5 et 2 % des voix, malgré un boycott médiatique total. Pas si loin des 3 % de Ciudadanos au début de l'année. D'autres initiatives essaient de gagner les esprits et les cœurs, comme le mouvement d'action de terrain Les Zèbres d'Alexandre Jardin, ou le think tank Génération libre, dont la figure de proue, Gaspard Koenig, commence à émerger dans les médias. Ces mouvements sauront-ils se fédérer autour d'une plateforme commune, comme le propose LaPrimaire.org, qui se donne pour objectif de faire émerger un candidat issu de la société civile, soutenu par des centaines de milliers de Français ? À moins qu'Emmanuel Macron, qui a presque le même âge qu'Albert Rivera et dont les idées semblent très proches de Ciudadanos, n'emporte la mise en organisant ses soutiens dans un nouveau parti.

Qui est John Galt ? Ou plutôt, qui sera l'Albert Rivera français ?

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Commentaires (18)

  • adonis

    Ce parti attire un''électorat centriste, urbain issu de la classe moyenne''avec un''projet libéral''sur le plan économique et sociétal, tout pour me plaire à priori, mais effectivement est-ce transférable dans une France étatiste et clivée ? D'ailleurs même en Espagne ils sont loin de représenter la majorité, mais ne gâtons pas notre plaisir, cela fait tellement du bien d'être loin des extrêmes, des FN, NPA, Manif pour tous et autres qui entraînent la droite républicaine et les socialistes vers des dérives outrancières. On se sent moins seul, c'est au moins cela de réconfortant.

  • sergio46

    Il semblerait qu'il s'abstienne de soutenir le PP, c'est la meilleure façon d'avoir un gouvernement de gôche et d'extrême-gauche !
    Pas sûr que comme première action, ça soit particulièrement génial de donner le pouvoir à la gôche, et ses électeurs risquent de se retrouver bernés !

  • politologue

    Nos politiques ce sont regardés le nombril au lieu de gérer leurs pays respectifs et le résultat est là mais nos politiques n'ont toujours pas compris... Ils s'accrochent comme des sangsues toujours assoiffés de pouvoir... Ils n'ont vraiment rien compris c'est accablant... Mais où va t'on ?
    C'est bien la preuve qu'ils font tout pour sauver leurs prérogatives qu'ils se sont donner sur le dos du peuple... !