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Benjamin Millepied démissionne de ses fonctions de directeur de la danse à l’Opéra de Paris

Au sein de la prestigieuse institution parisienne, le directeur de la danse depuis un an, époux de Natalie Portman, était de plus en plus critiqué.

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Publié le 04 février 2016 à 06h09, modifié le 04 février 2016 à 16h07

Temps de Lecture 5 min.

Le bruit courait, amplifié par un article de Paris Match mis en ligne dans la soirée du 3 février, que Benjamin Millepied quitterait les fonctions qu’il occupait depuis le 1er novembre 2014. Le directeur de la danse à l’Opéra national de Paris a confirmé la rumeur dans un tweet publié jeudi où il explique les raisons de son choix.

Une conférence de presse extraordinaire de Stéphane Lissner, directeur de l’Opéra de Paris, doit se tenir à 15 heures au Palais Garnier. « On a appris comme tout le monde par la presse que Benjamin Millepied allait quitter la compagnie, a déclaré le danseur étoile Karl Paquette. Mais on pressentait des choses depuis quelque temps. » « L’ambiance était houleuse depuis décembre et ne s’était pas arrangée », ajoute l’étoile Stéphane Bullion.

Le chorégraphe « n’avait aucune expérience de la direction d’une grande compagnie », a réagi l’ancienne directrice de la danse de l’Opéra de Paris, Brigitte Lefèvre, sur Europe 1. « Diriger une grande institution ne s’invente pas », souligne Mme Lefèvre, sans mettre en doute le talent créatif de Benjamin Millepied, à qui elle avait confié plusieurs créations sous son mandat. « Benjamin n’avait pas mesuré que le poste implique 80 % de tâches administratives et 20 % seulement d’artistique », a confié à l’AFP un très bon connaisseur de l’Opéra. « Il a voulu réformer vite, parce qu’il fait tout très vite, et il n’a pas été soutenu par la direction de l’Opéra », ajoute-t-il.

Lire l'analyse Article réservé à nos abonnés Benjamin Millepied imprime sa marque sur l’Opéra de Paris

Le chorégraphe finalisait son nouveau ballet La nuit s’achève, sur une musique de Beethoven, dont la création a lieu le 5 février, parallèlement à une pièce contemporaine de Jérôme Bel et à une autre de Jerome Robbins (1918-1998). Le programme sera à l’affiche jusqu’au 20 février. La nouvelle saison 2016-2017, elle, doit être présentée le 10 février.

« L’excellence, j’attends de la voir pour de vrai »

Certes, la rumeur rapportait que l’ambiance était loin d’être au beau fixe dans la compagnie. Le documentaire Relève, consacré à Millepied et aux répétitions de son ballet Clear, Loud, Bright, Forward, projeté le 25 novembre 2015 en avant-première, puis diffusé le 23 décembre sur Canal+, avait choqué certains danseurs. Benjamin Millepied y assénait, entre autres, à propos du Ballet, l’une des meilleures troupes au monde : « C’est quoi l’excellence de l’Opéra exactement ? Je ne suis pas encore satisfait de la façon dont ça danse en scène. L’excellence, j’attends de la voir pour de vrai… » Il concluait que « la compagnie n’est pas la meilleure troupe classique mais la meilleure en danse contemporaine ».

Le 18 décembre, dans Le Figaro, Benjamin Millepied poursuivait ses critiques. Pour évoquer le « tableau des Ombres » dans le ballet La Bayadère, à l’affiche de l’Opéra Bastille du 17 novembre au 31 décembre, il disait ainsi : « Etre danseur, c’est s’exprimer, pas tenter de ressembler à un motif sur du papier peint ! » Il pointait aussi que, dans la troupe, « le vrai problème à résoudre est celui de l’assiduité au cours : cinq fois par semaine, pas deux ou trois fois, sinon le corps résiste, se blesse ». Il recommandait encore aux jeunes danseurs « d’avoir un sens entrepreneurial, de savoir trouver des fonds ou gérer une carrière, avec, par exemple, les réseaux sociaux… »

Lire le compte-rendu Article réservé à nos abonnés Benjamin Millepied signe une première saison équilibrée

De quoi attiser la colère parmi les interprètes. « J’ai été choqué par cet article dévastateur, par l’irrespect de Benjamin Millepied vis-à-vis de la compagnie qu’il dénigre totalement, commente Karl Paquette. Je danse depuis trente ans dans la maison, j’adore cet Opéra de Paris, je ne m’y suis jamais senti aussi mal que depuis six mois. J’ai par ailleurs vécu la fin de cet article comme une annonce potentielle de son départ. » De fait, Millepied disait : « Si je n’y arrive pas ici, je le ferai ailleurs. »

Benjamin Millepied à Paris en mai 2014.

« Dream team », « oubli » et remous

Dans la foulée de ces déclarations, Benjamin Millepied aurait eu une « explication » avec les danseuses de La Bayadère. Tenir les rênes de 154 interprètes n’est pas une mince affaire. Depuis quelques mois, les sujets de discussions, voire de polémiques, étaient variés. Désir de casser la hiérarchie, qui sert de colonne vertébrale à la troupe ; valorisation de sa « dream team », petit groupe de jeunes danseurs choisis dans le corps de ballet ; à l’inverse, « oubli »  des étoiles, peu distribuées, voire reléguées ; déboulonnage de castings le soir de la générale… Toujours à propos de La Bayadère, ballet du XIXe siècle dont l’exotisme est raccord avec l’époque coloniale, Benjamin Millepied a rebaptisé la « danse des négrillons » « danse des enfants », et refusé que les jeunes danseurs de l’école de l’Opéra national de Paris soient, comme à l’habitude, maquillés en noir. Une décision qui a suscité quelques remous, entre autres, sur les réseaux sociaux.

La couleur à l’américaine de Benjamin Millepied, ancien danseur du New York City Ballet, a-t-elle eu du mal à prendre sur la palette française ? Les « lourdeurs administratives », évoquées dans le documentaire Relève, auraient-elles été insurmontables ? Sa garde rapprochée, qui devait rassembler Clotide Vayer et la danseuse étoile Aurélie Dupont, a été rapidement mise à mal. La première a été longtemps absente pour cause de maladie ; la seconde a finalement décliné le poste de maître de ballet.

Sa femme, l’actrice Natalie Portman ne serait, selon France Info, pour rien dans sa décision

Depuis, Millepied n’avait pas officiellement reconstitué une équipe mais évoquait le danseur étoile Benjamin Pech comme collaborateur de premier plan. Quant à sa femme, l’actrice Natalie Portman, qui avait déclaré dans la presse qu’elle ne se sentait pas en sécurité à Paris, elle ne serait, selon France Info, pour rien dans sa décision.

Lors de sa nomination, en janvier 2013, Benjamin Millepied débordait d’enthousiasme : « C’est un rêve de diriger une compagnie comme celle-ci », s’extasiait-il. Son bilan, à ce jour, est conséquent : aux côtés de Stéphane Lissner, il a mis en œuvre la 3e Scène, espace numérique consacré à la création, et fait entrer dans les caisses de l’institution des sommes non négligeables grâce au mécénat – plus de 1 million d’euros lors de la seule soirée de gala en septembre 2015. Depuis sa première invitation à l’Opéra national de Paris, Benjamin Millepied, qui n’a pas lâché les rênes de sa compagnie L.A. Dance Project, basée à Los Angeles, a créé pour la troupe parisienne Amovéo (2006), Triade (2008), Daphnis et Chloé (2014) et Clear, Loud, Bright, Forward (2015).

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